L'ère du reporting de durabilité a toujours été marquée par un débat constant entre l'importance de la transparence et la praticabilité de sa mise en œuvre. Avec l'approbation récente par le Parlement européen de l'acte délégué de la directive CSRD, l'Europe a clairement affiché ses ambitions en matière de durabilité. Mais cette décision s'inscrit-elle dans un consensus global ?
L'impact immédiat de la directive CSRD :
L'approbation de l'acte délégué de la directive CSRD est plus qu'une simple validation parlementaire. Il s'agit d'une révolution pour les entreprises européennes, qui devront désormais intégrer 12 normes détaillées dans leur reporting de durabilité à partir du 1er janvier prochain. Cette transformation n'a pas été sans opposition. Les débats animés au Parlement européen en témoignent.
Des eurodéputés sceptiques :
La directive CSRD a, en effet, suscité une vive opposition parmi certains eurodéputés, notamment allemands. Pour ces détracteurs, la mise en place du dispositif est jugée trop lourde pour les entreprises déjà en proie à des défis économiques majeurs tels que l'inflation ou les pénuries. Malgré ces préoccupations, le veto a été rejeté à une majorité convaincante de 57%.
La "guerre des normes" : De la double matérialité à la matérialité financière :
Au cœur du débat, la notion de « double matérialité » défendue par l'Europe a été mise en avant. Selon cette vision, les entreprises doivent non seulement être transparentes quant à l'impact des enjeux de durabilité sur leur activité, mais également quant à l'impact qu'elles ont sur l'environnement et la société. Cette perspective diffère sensiblement de celle de l'ISSB, qui ne prend en compte que l'impact des enjeux de durabilité sur les entreprises.
Le président de l’ISSB, Emmanuel Faber, a défendu avec vigueur cette approche dans une tribune au Monde, affirmant que seul l'angle de la matérialité financière a le pouvoir d'influencer réellement les flux des marchés financiers et, par conséquent, la transition durable.
Une opportunité pour les entreprises
européennes :
Malgré les débats et les différences d'opinion, la directive CSRD offre une opportunité unique aux entreprises européennes de se positionner comme des leaders mondiaux en matière de reporting de durabilité. En adoptant une approche basée sur la double matérialité, l'Europe renforce non seulement la responsabilité des entreprises, mais aussi leur engagement envers une transition plus durable.
L'histoire nous montre que chaque réglementation majeure apporte son lot de défis et d'opportunités. La directive CSRD ne fait pas exception à cette règle. Si l'Europe a choisi une voie différente de celle de l'ISSB, c'est peut-être pour offrir une perspective plus holistique et impactante de la durabilité. Seul l'avenir nous dira si ce choix sera la clé d'un avenir plus durable pour notre continent. Mais une chose est sûre : l'Europe a décidé de prendre les devants et d'écrire sa propre histoire de durabilité.